DU petit au GRAND oral en Terminale
A la fin du mois de mai dernier, les élèves de Terminale en spécialité Histoire Géographie Géopolitique Science Politique (HGGSP) se sont prêtés à un exercice inédit proposé par Krystyna Veyssière, professeure documentaliste et Pascal Bousseyroux, professeur d’Histoire-Géographie : présenter un roman ou une oeuvre de témoignage en relation avec le thème générique du programme « Histoire et Mémoire »… dans des conditions analogues à celles de l’émission littéraire télévisuelle de François Busnel « La petite librairie »… Autrement dit, présenter un ouvrage choisi (presque) librement, dans un laps de temps très court (5 minutes), sans notes, et sans échange ultérieur de questions-réponses.
Le défi était considérable, mais les lycéens l’ont relevé, avec un bonheur inévitablement inégal, mais, le plus souvent en ayant la volonté de faire au mieux, et avec conviction. Plusieurs élèves ont emprunté des ouvrages du CDI, mais les contraintes du confinement du mois d’avril ont obligé certains à rechercher dans les bibliothèques familiales le livre qui pouvait sembler le plus adéquat. La thématique de la 2e Guerre Mondiale a dominé les lectures, ce qui confirme une fois de plus la force de l’intérêt que cette période continue à susciter, malgré le temps qui passe, et à cause des questions quasi anthropologiques qu’elle véhicule. Mais elle n’a pas été exclusive, car le conflit de 1914-1918 n’a pas été oublié, grâce à des exposés sur Henri Barbusse ou Jean Giono, ni les conflagrations plus récentes. Des sujets très variés ont été abordés, certains classiques comme L’armée des ombres, de Joseph Kessel, voisinant avec Si c’est un homme, de Primo Levi. Plus près de nous, Des hommes, de Laurent Mauvignier et Gabriel Faye pour Petit Pays, puis Dounia Bouzar, avec Mon djihad ont donné à voir la guerre d’Algérie, le génocide du Rwanda ou le phénomène du jihadisme islamiste. Le point de vue de Martine Laroche-Joubert sur Une femme au front a permis d’envisager l’ensemble des conflits contemporains. D’autres ont opté pour le témoignage, comme celui d’Elie Buzyn dans J’avais quinze ans, ou comme les souvenirs de résistance de Daniel Cordier, tandis que l’on s’est même risqué à étudier les premières BD sur Auschwitz, comme les albums de P. Croci.
La sélection d’un titre judicieux a constitué le premier élément de l’exercice, mettant chacun face à ses préférences, à ses curiosités, à ses prédispositions pour la lecture et ses aptitudes à la synthèse… Le recours aux ressources d’internet, ici, ne trompe guère, car la tonalité de fond de l’exposé révèle presque sans coup férir l’absence d’appropriation de l’œuvre, que rend possible la seule lecture directe. En tout cas, la prestation a mobilisé les ressources de la mémoire, la maîtrise des (légitimes) émotions et l’attention aux attitudes corporelles : débit et ton de la voix, posture générale, gestuelle.
Ce travail a conclu un cycle d’entraînement à l’épreuve du Grand Oral, voulu par le Ministère de l’Education Nationale dans le cadre de la réforme du baccalauréat. Ce cycle s’est étendu sur la durée de l’année scolaire, avec des mises en situation variées, de la présentation d’œuvres littéraires à l’analyse d’oeuvres picturales, en passant par le registre de l’expression journalistique sur le modèle d’une chaîne d’information, lors de la semaine de la presse. Autant d’occasions de prendre la parole, en tandem ou en solo, et de préparer l’intervention par une recherche intensive, le tout en temps limité, en tirant parti des ressources documentaires du CDI et en s’appuyant sur les connaissances liées à l’étude du programme de la spécialité. Autant d’occasions, enfin, de conforter un socle de culture générale, basé sur des références personnelles et sur des méthodologies connues.
A l’heure du bilan, le groupe, volontiers dubitatif sur la nature des consignes imposées et parfois hésitant devant les contraintes de l’oral, a mesuré le chemin parcouru et les acquis engrangés. Les enseignants ont pu constater les progrès accomplis par bon nombre d’élèves, y compris parmi les plus réservés. D’ailleurs, dans un sondage interne renseigné par 22 élèves sur 25, 16 d’entre eux ont estimé avoir amélioré leurs méthodes d’expression orale et 17 ont signalé une meilleure connaissance des sources documentaires et d’information.
Il reste beaucoup à faire, et les encadrants en sont les premiers convaincus. Cette initiative interdiciplinaire s’inscrit dans une démarche d’initiation au Grand Oral, sans que toutes les problématiques inhérentes à cette épreuve nouvelle ne soient levées par une telle activité. Par delà la perspective immédiate du bac il s’agit de préparer les élèves à l’enseignement supérieur et à une pratique qui occupera une part non négligeable de leurs activités d’étudiantes et d’étudiants. Ni les uns ni les autres ne doivent oublier cette ligne d’horizon.
P. Bousseyroux et K. Veyssière.
Liste des ouvrages présentés par les élèves : (toutes catégories confondues, romans, documentaires, témoignages, bandes dessinées et tous conflits des XXe et XXIe siècles considérés )
AUBRAC Lucie, Ils partiront dans l’ivresse
BARBUSSE Henri, Le Feu
BOUZAR Dounia, Mon djihad
BUZYN Elie, J’avais quinze ans
COHEN-SCALI Sarah, Orphelins 88
CORDIER Daniel, Alias Caracalla
CROCI Pascal, Auschwitz
DAENINCKX Didier, Meurtres pour mémoire
DUGAIN Marc, La Chambre des officiers
FAYE Gael, Petit pays
GENESTAR Alain, Pour mémoire. Retour à Auschwitz avec Simone Veil
GIONO Jean, Le Grand troupeau
GOLDSTEIN Madeleine, On se retrouvera
GRAY Martin, Au nom de tous les miens
GUTMAN Claude, La Maison vide
HAUSFATER Rachel, Yankov
JOFFO Joseph, Un Sac de billes
KESSEL Joseph, L’Armée des ombres
KOLINKA Ginette, Retour à Birkenau
LAROCHE-JOUBERT Martine, Une femme au front
LEVI Primo, Si c’est un homme
MAUVIGNIER Laurent, Des hommes
SEMPRUN Jorge, L’écriture ou la vie
SPIEGELMAN Art, Mauss