La sorcières des chataigniers

C’était un de ces jeudis où nous attendions que nos enfants sortent du cours de Français qui n’en finissait pas… À force d’attendre, tous ensemble, nous commencions toujours à discuter, afin de mieux nous connaître, et nous en venions naturellement à nous raconter des histoires… Chacun puisait dans ses souvenirs et y allait de son récit personnel, souvent amusant, ou étrange,  parfois à dormir debout : animal domestique possédée par un esprit frappeur, maison hantée, poupée maléfique, poule magique… Personnellement, je n’avais rien d’extraordinaire à raconter ; alors, ce jour-là, je leur fis part d’une petite péripétie familiale…

Dans ma famille, nous étions, Didier et moi, les aînés, et Alain et Mireille les cadets. Dans la propriété de ma mère, nous allions souvent nous promener dans les bois. Il y avait un endroit dont je me souviens particulièrement : il était rempli de châtaigniers. Un jour, Didier moi, nous eûmes une idée assez cruelle : alors que nous allions nous promener avec Alain et Mireille, nous leur expliquèrent, à voix basse,  qu’au plus profond de la forêt vivait une sorcière : la sorcière des châtaigniers. Bien sûr,  ils eurent la même réaction que vous en ce moment, et se poussèrent du coude en souriant : « les sorcières n’existent pas ! ». Pour leur prouver le contraire, on leur proposa de nous rendre dans le bois des châtaigniers.
En arrivant au cœur de la forêt, il y avait des châtaigniers à perte de vue. Alors, on leur fit croire, grâce au coucher de soleil qui allongeait extraordinairement les ombres, aux corbeaux qui passaient au-dessus des feuillages, au bruit des animaux qui fuyaient devant nos pas, que tout cela était des manifestations de la sorcière des châtaigniers. Au début, bien sûr, il n’y crurent pas; pourtant, à la fin de la promenade, perturbés par tous ces bruits dans la pénombre de plus en plus dense, par les craquements de branches mortes, par les airs effrayés que Didier et moi prenions,  nous vîmes bien avec mon frère qu’ils commençaient à douter! On était vraiment fier de notre petite blague, et, à chaque fois que les corbeaux repassaient, on courbait la tête : « Regardez, la revoilà… La sorcière des châtaigniers! ».
Mais il commença à y avoir du vent. Étrangement, à chaque fois que l’on invoquait la sorcière des châtaigniers, derrière un cri de corbeau, le vent devenait violent, les feuilles nous giflaient le visage, des branches et des bogues nous tombaient sur la tête : tout ceci fit naître en moi une réelle inquiétude.
Au détour d’un chemin, nous tombâmes sur une vieille cabane. Didier, qui faisait le bravache, leur fit croire que celle-ci appartenait à la sorcière des châtaigniers. Avec une peur feinte, il nous ouvrit la porte et nous y entraînâmes Alain et Mireille, terrorisés. Il y avait des châtaignes partout, étalée sur le sol et, dans l’âtre, se trouvait une marmite remplie d’une étrange mixture dans laquelle flottaient quelques bogues. Les braises encore tièdes, Didier moi commencions vraiment avoir peur, mais, pour le coup, nous tentâmes de le cacher à Alain Mireille, et reprîmes tous le chemin du retour, le plus normalement possible.
Quelques jours plus tard, peu fiers de nous, nous décidâmes de révéler à Alain et à Mireille la vérité : la sorcière des châtaigniers n’existait pas. Leur réaction fut surprenante : ils nous remercièrent de tenter de les rassurer, mais ils avaient bien vu, dans la cabane, notre peur à tous les deux, les grands, et les frissons qui parcouraient nos corps, et la marche rapide que nous leur avions imposée pour sortir de ce bois. Ils avaient aussi compris que depuis, aucun de nous deux n’avait osé s’aventurer dans le bois… Ils se jetèrent dans nos bras, pour se rassurer : Didier me regarda, avec, dans les yeux, la même inquiétude. Plus jamais nous ne retournâmes dans ce coin de la forêt : la sorcière des châtaigniers pouvait y vivre bien cachée…

À la fin, quand je soufflais le dernier mot de mon récit, tous les parents souriaient, mais avec le même air un peu inquiet que nous, ce jour-là. Quelques minutes plus tard, je récupérais Meï, ma fille, et nous avons terminé cette belle journée tout à fait normalement!

Meï CHAMPEIL (4ème)

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