Les Mau-dix de la Terminale L1

mau10Voici une nouvelle variation autour des Dix Petits nègres d’Agatha Christie. Cette version est signée Nina Labarde (4e4)

1er jour : lundi 20 janvier. Je me nomme Antoine Fits, je suis professeur de Lettres, et je suis en retard. Je commence ma journée avec ces fameux Terminales L1, l’élite du lycée, à qui j’enseigne le latin. Lorsque j’arrive devant ma salle, les élèves entrent très silencieux, aujourd’hui. Eliot est absent. Comme d’habitude, il arrivera dix minutes en retard et je l’accepterai. Il doit sûrement fumer. Il fume toujours avant les cours.

8h15 : Le cours commence en retard. Lucie sérieuse, devant, qui lève toujours la main ; à sa gauche, Quentin qui dessine ; il dessine bien. Derrière eux, Juliette et Louis prennent leur cours, bavardent mais restent supportables. A une autre table, Paul sur son portable croyant que je ne le vois pas. Un peu plus loin, Dounia et Nathan, discrets et très intelligents. Au fond, Victor et ses blagues désobligeantes pour Zoé, et Zoé inquiète qu’Eliot ne soit toujours pas là (moi aussi d’ailleurs car le cours a commencé depuis vingt minutes) ; mais, malgré tout,  je n’ai pas à me plaindre : ils sont tous très intéressés.

Vers 9h20, un surveillant interrompt mon cours pour me demander si Eliot est présent ce matin.  Je lui réponds que non, puis il est parti.

A la récréation de 10h, je me dirige vers les toilettes. En entrant, je ressens une ambiance froide. Une des portes des WC est verrouillée, mais pourtant je n’entends aucun bruit : c’est anormal. Je décide donc de l’enfoncer. A l’intérieur, Eliot est inanimé par terre. A ce moment, Victor entre dans la pièce. Il reste bouche bée quelques secondes puis prend son téléphone portable pour appeler les pompiers tout en restant calme.

Choqué par ce drame, Victor est rentré chez lui sur son scooteur. Quant au proviseur, il a pris la décision de ne pas annoncer l’accident aux élèves et aux autres professeurs et de maintenir les cours.

Durant mon cours suivant, je découvre qu’une des dix craies présentes dans ma boîte a étrangement disparu.

2ème jour : mardi 21 janvier. 8h05 : mon cours commence à l’heure. Victor est absent, ce qui me parait normal au vu des événements de la veille. Le cours se déroule à son habitude mais je ressens quelques inquiétudes dues aux absences de deux élèves sérieux. J’entends des murmures disant que personne n’avait pu contacter Eliot depuis hier matin et que certains avaient aperçu des pompiers dans le lycée.

A midi, je suis convoqué dans le bureau du proviseur adjoint qui m’annonce le décès de Victor. Il m’apprend également qu’il est probable que sa mort soit préméditée car les freins de son scooter ont été sabotés. J’ai été tellement choqué par cette annonce que je suis rentré chez moi pour m’apaiser un instant, puis je suis retourné au lycée pour assurer mon dernier cours.

A mon arrivée, l’un de mes collègues m’interpelle et m’annonce une nouvelle tragique, Quentin a été empoisonné ce midi au self. Encore un mort. Cela devient très inquiétant. Je dois tout de même assurer mon dernier cours.

Avec ma classe, nous entrons dans la salle. Depuis le décès d’Eliot, une minute de silence a été observée au début de chaque cours et ce jusqu’à la fin de la semaine. Tous les élèves sont très respectueux et prennent à cœur cet hommage. Après le calme absolu, je commence mon cours et découvre que deux craies supplémentaires ont disparu. Coïncidence ? Je ne pense pas. Mon inquiétude s’amplifie.

En sortant de mon cours, je croise Juliette qui descend les escaliers. J’engage la conversation et lui demande si elle a terminé son exposé pour demain malgré les évènements récents. Elle n’a le temps de répondre et trébuche violemment. Elle ne peut malheureusement pas se ressaisir et dévale entièrement les escaliers. La chute lui est fatale. Les autres élèves présents se mettent à crier de peur. Un d’eux appelle les secours. Quant à moi, je me précipite dans ma salle et constate qu’une autre craie manque.

3ème jour : mercredi 22 janvier. 8h05 : Ma journée commence avec les terminales L1, comme tous les matins. La veille, la police est venue à mon domicile pour m’interroger sur la mort de mes quatre élèves. J’ai répondu avec facilité et l’interrogatoire ne s’est point éternisé. Les six terminales L1 restant entrent en classe. Les filles pleurent et les garçons restent silencieux, les larmes aux yeux. Ils viennent d’appendre le décès de Victor, Quentin et Juliette. Gêné, j’allais leur proposer de parler de leurs impressions sur la mort. Mais je n’ai pas le temps de commencer ma phrase car Paul se lève et raconte qu’une rumeur circule : c’est moi qui aurais tué Victor après qu’il m’a surpris en train de déplacer le corps d’Eliot. Mon souffle se coupe. Je suis choqué et vexé qu’on me croie capable de meurtre. Je ne suis pas un criminel ! Un silence effrayant s’est tout à coup invité dans la pièce. Je reprends mes esprits et commence à expliquer à mes élèves apeurés que j’avais seulement découvert le cadavre du pauvre jeune homme et que Victor est entré quelque secondes après mon effroyable découverte puis est rentré chez lui, incapable de poursuivre les cours. Lucie se lève à son tour et me demande d’une voix tremblante pourquoi je me trouvais dans les toilettes des élèves alors qu’il y en a réservées aux enseignants, surveillants et aux personnels de l’établissement. Je ne sais plus, j’avais sûrement oublié mes clés, mais je ne peux me justifier car Lucie commence à crier qu’elle ne m’a pas vu le midi où Quentin a été empoisonné et que j’étais avec Juliette quand elle a chuté. Puis La jeune fille prend ses affaires et se dirige en courant vers la sortie. Zoé s’empresse de la rejoindre, puis Louis, Paul et Nathan. Dounia reste assise un moment en me fixant sans aucune expression du visage, puis elle prend son sac et le place sur son épaule droite avant de quitter la salle de cours et de refermer la porte délicatement.

Après ce tumulte, je m’assois dans mon fauteuil et attends que le proviseur ou la police vienne me chercher car je suis persuadé qu’au moins un de mes élèves me dénoncera ; mais j’entends un coup de freins violent puis celui d’une collision. Je me dirige vers une fenêtre et aperçois Paul allongé sur la route, une flaque de sang autour de lui. Un cadavre de plus signifie qu’une craie de ma boîte a disparu. Je ne préfère pas vérifier.

4ème jour : jeudi 23 janvier. 7h05 : Un appel du proviseur me demandant de venir en cours malgré les drames de la semaine. J’obéis.

8h00 : J’arrive devant le portail et rejoins mes collègues. Je suis stressé comme jamais. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit et je me demande même si je n’ai pas tué ces enfants. Le proviseur du lycée prend la parole et annonce le suicide de Lucie dans l’infirmerie. Elle a avalé des médicaments au hasard comme des friandises. Elle n’a pas supporté les décès de ses camarades.

Les cours sont suspendus pour les Terminales L1 et moi-même.

4ème jour : vendredi 24 janvier. 1h25 : Je n’arrive toujours pas à dormir. Mes élèves meurent un par un de façon dramatique. Cette histoire me rend fou et je n’imagine pas ce que les enfants ressentent. Et ces craies qui disparaissent à chaque cadavre. Il faut que je vérifie s’il en reste exactement quatre. J’entre par effraction dans le lycée, atteins le couloir de ma salle puis ouvre la porte et découvre Zoé, Nathan, Louis et Dounia qui cherchent visiblement quelque chose. Zoé panique, alors que ses compagnons restent plus ou moins calmes. Dounia me demande ce que je fais ici à 2h du matin. Je lui retourne la question et Nathan me répond qu’ils cherchent des preuves de ma culpabilité. L’ambiance est tendue. Je réponds que je viens voir la boîte à craies et je leur explique ce phénomène très étrange. Dounia angoisse légèrement, et j’aperçois de la poudre de craies sur ses mains et son pantalon. Je l’incrimine. Elle avoue tout. Elle est sous pression. Ses parents la harcèlent pour qu’elle soit la première. Elle a donc décidé de faire barrage à ses concurrents mais en aucun cas elle n’avait prévu de les tuer…