L’UEM renforce les interdépendances entre les pays et rend nécessaire la coordination des politiques économiques

 


 

1) La politique monétaire dans l’Union Européenne

a] Les étapes de la mise en œuvre de la monnaie unique

La première étape de la construction d’une monnaie unique en Europe est à chercher dans l’instauration du SME en 1979. Le S.M.E. (système monétaire européen) passe par l’adoption de l’ECU comme unité de compte commune aux pays de la CEE, l’instauration de cours pivots (instauration de marges de fluctuations restreintes à + ou – 2,25% entre les monnaies des pays de la CEE et l’ECU (serpent monétaire). Ce SME a permis la stabilisation des taux de change entre les monnaies de la CEE.

La deuxième étape, essentielle, est le Traité de Maastricht, adopté en 1992. Celui-ci prévoit la marche vers la monnaie unique. Le 1er janvier 1999, l’euro devient la monnaie unique des 11 pays remplissant les critères de convergence (concernant taux d’inflation, taux d’intérêt à long terme, poids du déficit public et de la dette publique). L’euro circule d’abord la monnaie scripturale (dans laquelle sont rédigés les comptes bancaires) puis comme monnaie fiduciaire à partir du 1er janvier 2002 (introduction des pièces et des billets en euro, disparition des pièces et des billets en monnaie nationale).

b] La mise en place de la monnaie unique a été rendue nécessaire par la construction européenne et le contexte économique

  • La mise en place de l’euro s’explique par les contraintes liées à l’intégration croissante des économies européennes dans un système mondial de changes flottants.

À partir de 1973, les monnaies internationales flottent de fait, c’est-à-dire que les taux de change entre elles ne sont plus fixes mais fluctuent au gré de de l’offre et de la demande sur le marché des changes. La forte volatilité des monnaies qui en résulte (les changes flottants varient fortement) entrave le fonctionnement de la CEE, car les monnaies des pays membres de la CEE fluctuent beaucoup entre elles. Or, au sein d’une union douanière, la variation des taux de change pose des problèmes aux entreprises. Celles-ci sont en effet gênées pour les paiements à 3 mois de leurs fournisseurs, mais aussi par l’incertitude de facturation des fournisseurs situés hors du pays, par les risques de dumping monétaire entre les pays membres (chacun dévalue sa monnaie pour regagner de la compétitivité-prix (dévaluations compétitives) ce qui créé des tensions commerciales là où on voudrait favoriser l’intégration). C’est pour répondre à ces difficultés qu’est instauré le SME.

Mais en 1992 (pour la £) et 1993 (pour le Franc) on observe des attaques spéculatives qui coûtent cher aux Banques centrales qui dépensent beaucoup pour maintenir le cours de leur monnaie dans le serpent dont les bornes sont portées à + ou – 15%. Malgré cet assouplissement du SME, les Banques Centrales ne parviennent pas à gérer les attaques sur leur monnaie : la perspective d’une monnaie unique devient intéressante, puisqu’elle supprimerait définitivement l’obligation de défendre la parité des monnaies nationales.

  • La mise en place d’une monnaie unique, et donc d’une politique monétaire commune a permis de lever la contrainte du triangle d’incompatibilité (Mundell).

Pour R. Mundell, il y a trois objectifs souhaitables en matière monétaire et financière :
- la stabilité du taux de change
- la libre circulation des capitaux au niveau international (permet d’accéder à un financement au meilleur prix)
- l’autonomie de la politique monétaire, c’est-à-dire fixation des taux d’intérêt en fonction de l’état de l’économie nationale (Rappel : des taux bas en cas de ralentissement pour soutenir la demande, des taux élevés pour freiner la demande en cas de tensions inflationnistes et de risque de surchauffe).

Mais un pays ne peut pas atteindre des trois objectifs en même temps. Il peut ne peut en choisir que deux, et troisième lui est imposé.

La mise en place du serpent monétaire européen et le mouvement de libéralisation des mouvements de capitaux ont obligé les États européens à abandonner l’autonomie de leur politique monétaire : ils devaient en effet, pour maintenir leur taux de change, fixer des taux d’intérêts élevés proches de taux allemands, même dans le cas où leur conjoncture économique aurait nécessité une politique monétaire plus souple. En d’autres termes, ils étaient privés de l’arme monétaire pour réguler la conjoncture.

Avec la mise en place de l’euro, les pays ne sont plus obligés de maintenir des taux de change déterminés. L’euro flotte librement par rapport aux autres monnaies. Par conséquent, les pays de la zone euro bénéficient à nouveau d’une politique monétaire autonome, c’est-à-dire qui prenne en compte les besoins de l’économie de la zone. La politique monétaire redevient un outil possible de régulation conjoncturelle, même si celle-ci se définit désormais au niveau européen (c’est la BCE qui décide de la politique monétaire et de son orientation).

  • La mise en place de la monnaie unique présente d’autres avantages qui viennent renforcer les effets favorables du marché unique.

Tous les acteurs vont réaliser des économies sur les coûts de transaction. Les coûts de transaction sont ceux qu’il faut supporter lorsqu’on est amené, du fait de l’échange, à changer des monnaies entre elles : les intermédiaires financiers qui réalisent ces opérations de change se font normalement payer ; à partir du moment où il n’y a plus qu’une monnaie, il n’y a plus de change pour toutes les opérations entre pays de la zone euro, et donc plus de commission de change. L’autre avantage, c’est aussi qu’il n’y a plus d’incertitude, toujours pour les échanges entre pays de la zone euro, sur le prix relatif des monnaies entre elles, puisqu’il n’y a plus qu’une seule monnaie. Avant, comme les taux de change pouvaient fluctuer, les acteurs économiques qui signaient des contrats avec paiement différé couraient toujours un risque de change. Ce risque est supprimé, évidemment, entre pays de la zone euro. Les échanges commerciaux sont donc facilités et stimulés.

Par ailleurs, la transparence augmente sur les marchés : il n’y aura plus de problèmes pour comparer les prix en France et en Italie par exemple, puisqu’ils seront libellés tous en euros. Cela facilite donc la réalisation d’une réelle concurrence entre les entreprises des pays membres de la zone euro. Or on sait que la concurrence exerce une pression à la baisse sur les prix, dans la mesure où elle incite les entreprises à ne pas réaliser de super-profits comme elles peuvent le faire quand il n’y a pas de réelle concurrence. Cela empêche aussi certaines pratiques des entreprises, qui consistent à fragmenter leur marché : ainsi, Renault, comme toutes les entreprises automobiles, ne vend pas au même prix ses voitures dans toute l’Europe, le prix est par exemple plus faible en Belgique, où la concurrence est forte parce qu’il n’y a pas de producteur automobile national, qu’en France pour la même voiture. On peut donc penser que les différences de prix se voient davantage quand ils sont tous libellés en euros et que les consommateurs se débrouillent pour acheter là où c’est le moins cher. Cela entraîne a priori un alignement progressif des prix dans toute l’Europe. Si les prix baissent, on est ramené à un raisonnement que l’on a déjà rencontré souvent : le pouvoir d’achat augmente, donc la demande augmente. Pour la satisfaire, il faut produire davantage. Pour cela, les firmes peuvent augmenter la productivité et/ou embaucher et/ou importer. Les résultats sur la croissance intérieure ne sont pas les mêmes, mais globalement ils sont favorables à la croissance économique des pays de la zone euro.

c] Le rôle de l’euro dans le contexte financier et monétaire international

L’euro est la monnaie d’un ensemble économique intégré qui pèse un poids comparable à celui des États-Unis. L’euro a progressivement accédé au rang de monnaie internationale.

Une monnaie considérée comme une monnaie internationale remplit les trois fonctions traditionnelles de la monnaie au niveau international. Une monnaie a d’abord une fonction d’unité de compte. Une monnaie internationale doit donc être une monnaie « de libellé ». En d’autres termes, le prix de certains produits vendus sur les marchés internationaux par des agents économiques non-résidents sont libellés dans cette monnaie. C’est bien évidemment le cas du dollar, mais c’est également vrai, dans une moindre mesure, de l’euro. La taille de l’UE oblige en effet les fournisseurs à accepter les paiements en euros, et les acheteurs à payer en euro. L’euro est donc une monnaie de libellé, mais elle sert également de moyen de paiement.

Cela constitue la deuxième fonction d’une monnaie internationale : elle est une monnaie véhiculaire. Cela signifie que cette monnaie est utilisée comme instrument de règlement des échanges. Les opérations peuvent être scindées en deux, en passant par la monnaie internationale. Par exemple, un échange entre la Grande-Bretagne et la Thaïlande se divise en opérations livre/dollar puis dollar/bath. L’euro est utilisé pour comme moyen de paiement entre des pays qui ne sont pas membres de la zone euro. Le fait que la monnaie soit une unité de compte implique qu’elle soit aussi une « monnaie d’ancrage ». Les autorités monétaires des pays partenaires sont incités à se caler sur les variations de la valeur de la monnaie internationale pour limiter les risques de changes dans leurs flux commerciaux et financiers.

Enfin, la monnaie a une fonction de réserve de valeur. En d’autres termes, elle permet aux agents économiques de garder la valeur de leur épargne. Ainsi, même si la majeure partie des réserves de change des Banques centrales est constituée de dollars, près de 30% de ces réserves concernent toutefois des euros : l’euro est bien une monnaie de réserve.

La mise en place de l’euro a donc engendré de nombreux avantages pour les pays membres.

Vis-à-vis des tiers, l’euro est plus crédible que n’importe laquelle des monnaies nationales qui se sont réunies dans l’euro. Cela signifie que l’euro sera une monnaie plus demandée, plus recherchée, par exemple pour constituer des réserves. Résultat : les Européens trouveront plus facilement des capitaux sur les marchés internationaux, et ils les trouveront à un taux d’intérêt plus faible (quand on fait confiance à un emprunteur, on lui fait payer son emprunt moins cher, la prime de risque est moins élevée). Pour les entreprises européennes, c’est évidemment intéressant dans la mesure où elles réaliseront des économies sur le coût du capital, par exemple pour financer leurs investissements.

Par ailleurs, avec l’euro, les pays européens ont pu bénéficier d’une stabilité monétaire dont ils ne bénéficiaient pas nécessairement auparavant. La spéculation contre la devise européenne est plus difficile que la spéculation contre les anciennes devises nationales, et la crédibilité de la monnaie européenne est également une protection.

Enfin, l’euro a pu protéger les économies européennes de certains chocs exogènes. Cela a notamment été le cas avec le renchérissement de certaines matières premières (dans les années 2008-2009), et notamment des prix pétroliers. L’appréciation de l’euro par rapport au dollar a permis d’atténuer considérablement les hausses des prix (les prix des matières premières étant le plus souvent libellés en dollars…). [Il faut noter cependant que le taux de change élevé de l’euro par rapport au dollar peut au contraire être vu comme un handicap pour la compétitivité des entreprises européennes]

Les consommateurs ont également pu être avantagés par la mise en place de l’euro, puisque la monnaie unique a permis d’accroître la transparence des marchés et donc intensifié la concurrence au sein de la zone.

d] Une coordination des politiques économiques nécessaire, mais insuffisante

Compte tenu des effets théoriques positifs pour la croissance économique, on peut s’interroger sur les piètres performances économiques de la zone euro. Pour certains économistes, l’une des explications est à rechercher dans des blocages institutionnels et politiques dans le fonctionnement de l’Europe et de la zone euro.

  • L’interdépendance accrue des économies des États membres rend nécessaire une coordination des politiques économiques.

Du fait de l’importance des échanges commerciaux et financiers, il existe une interdépendance structurelle entre les pays de la zone. En effet, 2/3 des échanges commerciaux des pays européens se font à l’intérieur de l’Union Européenne. Du fait de cette interdépendance, les politiques économiques menées dans chaque pays de l’UEM ont tendance à affecter aussi les autres pays européen : on parle d’effet de contagion (effet de spill-over). Par conséquent, la définition des politiques économiques nationales doit prendre en compte les politiques économiques menées dans les autres pays. Par exemple, une politique de relance isolée risque d’être peu efficace. Enfin, l’interdépendance économique fait que la réaction face à des chocs exogènes (comme l’a été la crise de 2008) est plus efficace si les politiques sont coordonnées et simultanées plutôt que menées isolément. La construction européenne, en établissant un grand marché intérieur et une monnaie unique, a engendré une responsabilité économique et politique commune des différents États-membres.

  • Les traités européens imposent une forme de coordination, par l’édiction de normes communes et la mise en place de politiques communes.

On peut en la matière distinguer plusieurs degrés de coordination. Le premier degré de coordination, le plus « faible », consiste pour les États européens à se doter d’objectifs communs plus ou moins coercitifs. Il existe par exemple ce que l’on appelle les GOPE, les Grandes Orientations de Politique Économique. Elles constituent le maillon central de la coordination des politiques économiques des États membres. Elles sont adoptées par le Conseil sous la forme d’une recommandation juridiquement non contraignante. En 2010, les États, ont adopté la stratégie Europe 2020, succédant à la stratégie de Lisbonne. La mise en place de cette stratégie Europe 2020 s’est accompagnée de celle du « Semestre européen » : un cycle de six mois commençant au début de l’année, au titre duquel les procédures de coordination dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance et de la Stratégie Europe 2020 sont coordonnées et les États membres reçoivent des lignes directrices et des recommandations politiques préalablement à l’ouverture de leur procédure budgétaire nationale.

Le Pacte de Stabilité et de Croissance est quant à lui davantage coercitif. Adopté en 1997, il désigne un ensemble de critères que les États de la zone euro se sont engagés à respecter vis-à-vis de leurs partenaires, notamment en matière de finance publique (le déficit public ne doit pas dépasser 3% du PIB, la dette publique doit rester en-dessous du seuil de 60% du PIB). Le non-respect des engagements par les États signataires peut se traduire par des sanctions financières imposées par la Commission européenne (la procédure de déficit excessif prévoit une amende de 0,2% à 0,5% du PIB du pays). Assoupli en 2005, le PSC a été renforcé en 2011 (Pacte budgétaire). On appelle « Six-Pack » l’ensemble de mesures qui ré-affirme les objectifs du PSC et renforce les possibilités de sanctions (sanctions automatiques, obligation de réduire la dette avec des objectifs chiffrés annuels…). En sus de cette dimension « corrective », le traité comporte un volet « préventif » : les États membres doivent présenter chaque année un programme de stabilité et de convergence. Les États membres expliquent comment ils ont l’intention d’atteindre ou de garantir à moyen terme un budget structurel équilibré ou proche de l’équilibre. La Commission et le Conseil examinent si les programmes nationaux sont mis en œuvre et si les objectifs à moyen terme sont atteints. En cas d’écart sensible par rapport à une politique budgétaire solide, le Conseil peut recommander des mesures afin de remédier à cette situation. Si l’État membre concerné ne prend aucune mesure efficace dans le délai fixé, des sanctions peuvent être prises. Enfin, l’adoption du Pacte budgétaire européen en 2013 doit conduire à l’inscription dans la Constitution du principe de l’équilibre budgétaire (en d’autres termes, l’équilibre budgétaire devient un des principes suprêmes du droit français, au même titre que la liberté ou l’égalité).

Par ailleurs, les États européens se sont engagés dans des modes de coordination plus poussés que l’adoption de règles communes.

Il existe des politiques économiques communes et des politiques communautaires uniques. Les politiques communautaires, comme la Politique Agricole Commune ou la Politique Commune de la Pêche, sont basées sur la définition d’objectifs et de disposition par le Parlement européen, le Conseil européen et la Commission européenne, et par la mise en œuvre (ou pas…) de ces décisions par les États-membres.

En matière monétaire, il n’y a plus qu’une seule politique économique, menée par la Banque Centrale Européenne, qui s’impose aux États-membres.

  • La coordination des politiques apparaît donc comme une nécessité, et les traités européens organisent en partie cette coordination. Pourtant, ces procédures se heurtent à un certain nombre de difficultés.

La principale difficulté en matière de coordination réside dans la grande hétérogénéité des situations économiques et sociales des pays membres. Les structures économiques sont très différentes (poids des différents secteurs d’activité, organisation du marché du travail, système de protection sociale, fiscalité…).

Par ailleurs, les traditions politiques, les conceptions de la place de l’État sont très différentes, et rendent parfois difficile la définition de principes et d’objectifs communs. L’Allemagne est un pays très monétariste, qui accorde énormément d’importance à la lutte contre l’inflation, et met l’accent sur l’équilibre des finances publiques. Les pays de l’ex-bloc soviétique sont très libéraux dans leur conduite de la politique économique. La France au contraire, a une tradition ancienne d’intervention publique en matière économique. La Grande-Bretagne refuse tout abandon de souveraineté…

Cette difficulté de coordination pose alors le problème de l’existence de stratégie de « passager clandestin » parmi les pays membres. Le risque est en effet grand de voir certains Etats (notamment les plus petits) profiter des avantages de l’UEM sans mettre en place des politiques communes ou en utilisant des stratégies de dumping fiscal, ou bien de tenter d’améliorer leur situation économique en profitant des efforts menés dans les autres pays (par exemple, en cherchant à améliorer leur compétitivité en freinant la demande intérieure tout en s’appuyant sur la demande des partenaires commerciaux).

Dès lors une question essentielle est en débat, celle de la mise en place d’un gouvernement économique de la zone euro qui suppose à la fois une redéfinition des objectifs de la BCE et un fédéralisme budgétaire accru. Certains économistes militent par exemple pour l’instauration d’un impôt européen (par la fusion des différents impôts sur les sociétés) afin de limiter les possibilités de dumping et de doter l’Europe d’un véritable levier d’action. L’instauration en 2010 du Fonds Européen de Stabilité Financière , remplacé l’an prochain par le MES, le Mécanisme Européen de Stabilité en 2012, peut être interprété comme un premier pas vers davantage de solidarité entre les pays de la zone euro. Comme tout au long de son histoire, l’Europe avance à chaque nouvelle crise, économique et/ou politique.

2) Des politiques budgétaires sous contraintes qui peinent à stimuler la croissance

a] Les contraintes induites par la construction de l’euro

La mise en place de l’Union Économique et Monétaire et de la monnaie unique a supposé le respect de règles strictes en matière de politiques économiques. Le Traité de Maastricht (1992) a édicté en particulier deux règles qui ont ensuite été reprises dans le Pacte de Stabilité et de Croissance (1997) : le déficit public ne doit pas dépasser 3% du PIB et la dette publique ne doit pas excéder 60% du PIB.

On voit donc que la marge de manœuvre des États est limitée pour mener des politiques de relance budgétaire, surtout si leurs finances publiques étaient déjà dégradées. Lors d’une récession, un État qui voudrait relancer son économie devrait creuser son déficit public (en augmentant ses dépenses tandis que les recettes sont diminuées par la récession elle-même) et donc accroître sa dette. Il s’exposerait alors à des sanctions pour non respect des règles du PSC. Les États sont donc moins bien armés pour faire face à un choc de demande négatif, ils sont même contraints de mener des politiques pro-cycliques (et non contra-cycliques comme le préconisent les économistes keynésiens).

Par ailleurs, l’instauration d’une monnaie unique prive désormais les États de l’arme monétaire : la politique monétaire dépend désormais de la Banque Centrale Européenne (BCE), et elle est menée en fonction d’objectifs globaux sur l’ensemble de la zone. La BCE a pour mission principale de limiter les tensions inflationnistes, et non de stimuler la croissance et l’emploi. Les États sont également privés de l’instrument de change : ils ne peuvent plus agir sur le taux de change pour améliorer leur compétitivité par exemple. De plus, en la matière, la BCE intervient assez peu, et laisse la monnaie européenne s’apprécier sur le marché des changes.

Enfin, la construction de la monnaie unique ne s’est pas accompagnée de l’instauration d’un instrument budgétaire européen. Le budget européen est d’une ampleur très réduite (1,24 % du RNB européen), et les États restent seuls compétents en matière de politique budgétaire. La coordination des politiques économiques nationales s’avère pour le moment problématique, chaque pays ayant sa propre conception de ce qu’il faut faire, et se préoccupant avant tout de son intérêt national.

b] La contrainte extérieure

Du fait de l’interdépendance de plus en plus forte des économies, il apparaît de plus en plus difficile de mener une politique conjoncturelle de façon isolée. C’est particulièrement vrai pour les pays européens, qui échangent très majoritairement entre eux. La contrainte extérieure désigne cette dépendance à l’égard des autres économies qui rend difficile voire impossible la réalisation conjointe de l’objectif d’une croissance forte et de l’équilibre extérieur.

Une politique de relance permet une stimulation de la demande, mais au prix de l’accélération de l’inflation. Si cette politique de relance est conduite de façon isolée, alors les produits nationaux perdent en compétitivité (puisque les prix augmentent) tandis que les autres pays maintiennent leur compétitivité. L’augmentation de la demande nationale se traduit donc par une augmentation des importations (les produits étrangers étant plus compétitifs), tandis que les exportations se réduisent. Le solde du commerce extérieur (X – M) se dégrade rapidement, et rend nécessaire une politique de freinage de la demande afin de rétablir l’équilibre des échanges commerciaux.

Par ailleurs, on peut noter qu’une politique de désinflation compétitive (qui vise à réduire l’inflation de façon à améliorer la compétitivité-prix des produits) menée simultanément dans plusieurs pays interdépendants est inefficace. En effet, si tous les pays réduisent leur niveau d’inflation (au prix d’une hausse du chômage), aucun ne peut parvenir à prendre un avantage sur les autres et à augmenter ses parts de marché. Au final, de telles politiques se traduisent par une hausse du chômage et une compression de la demande dans tous les pays concernés, sans qu’aucun ne puisse tirer profit de la politique de désinflation compétitive.

c] Les contraintes liées aux dérives des dépenses publiques

Lors d’une phase de ralentissement économique, les recettes publiques ont tendance à diminuer (les revenus n’augmentent plus, la consommation se tasse…). De l’autre côté, les dépenses publiques ont tendance à s’accroître (notamment du fait de la hausse des budgets sociaux). Se produit alors un effet-ciseau, et le déficit public se creuse. Pour combler le déficit, l’État a recours à l’endettement : il trouve sur les marchés financiers les liquidités nécessaires pour faire face à ses engagements. On comprend alors comment une crise économique peut déboucher sur une crise de la dette, comme on l’a vu en 2010.

La crise financière et bancaire a coûté cher aux États qui ont dû soutenir les banques pour éviter l’effondrement du système bancaire et financier. De plus, pour sortir les économies de la récession, les gouvernements ont mené des politiques de relance qui ont encore accru les déficits et la dette publique. Dans certains États, la dette a atteint un niveau jugé alarmant par les marchés financiers, qui font alors payer une prime de risque supplémentaire, ce qui alourdit la charge de la dette, et creuse encore un peu plus le déficit public.

En conclusion, l’architecture institutionnelle actuelle de l’UE comme de la zone euro rend difficile, sinon impossible, la mise en œuvre efficace d’une politique mixte articulant l’instrument monétaire et l’instrument budgétaire au service d’une politique de croissance, d’emploi et de stabilité monétaire et financière. Le fait pour la zone euro d’avoir une seule politique monétaire et autant de politiques budgétaires que d’États membres constitue une situation dont le caractère problématique a été depuis longtemps mis en évidence. Le choix d’un budget de l’Union très limité (plafonné à 1,24 % du RNB de la zone) et d’une coordination très insuffisante des politiques nationales conduit à un manque d’efficacité de la politique économique. On l’a bien vu lors de la crise de 2007-2008 où la politique de relance budgétaire européenne a été très inférieure (en pourcentage du PIB) à celle de la Chine et des États-Unis. Cette incapacité à faire un effort suffisant pour soutenir la demande mondiale a d’ailleurs été vigoureusement mise en cause par le secrétaire américain au Trésor à l’automne 2011. S’agissant de la politique monétaire, le choix d’un objectif prioritaire de lutte contre l’inflation est souvent critiqué. Certes, face à la crise de 2007-2008, la BCE a joué son rôle de prêteur en dernier ressort en évitant la crise générale de liquidité du système bancaire. Mais ses interventions lors de la crise des dettes souveraines ont été jugées insuffisamment déterminées et insuffisamment explicites. La crise des dettes souveraines en Europe a d’ailleurs été analysée par de nombreux économistes comme une crise de la gouvernance européenne (lenteur dans les prises de décisions, solidarité insuffisante entre États membres, etc.).

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