Mobilité sociale : une France figée ? (Alternatives économiques 2018)

Xavier Molénat

 

En 2014, près de la moitié des fils de cadres étaient devenus cadres. Quasi exactement la même proportion que celle des fils d’ouvriers devenus ouvriers.

Les échanges entre ces deux groupes restent rares : environ 10 % des fils d’ouvriers deviennent cadres, ce qui est aussi fréquent que les enfants de cadres faisant le trajet inverse. Ces chiffres soulignent le poids des mécanismes de reproduction sociale dans la société française.

Destinée des filles et fils âgés de 30 à 59 ans en 2014-2015, selon la catégorie socioprofessionnelle du père
 
 

 

Lecture : 52,9 % des filles d’employés âgées de 30 à 59 ans en 2014-2015 sont elles-mêmes employées. Sur 100 fils d’agriculteurs exploitants des mêmes générations, 8 deviennent artisans, commerçants ou chefs d’entreprise.

Celle-ci n’est certes pas une société de castes : un peu moins d’un quart des personnes âgées de 30 à 59 ans en 2014-2015 (23,9 %) ont connu une mobilité sociale ascendante par rapport à leurs pères. Elles sont presque autant à connaître un déclassement (21,7 %), les femmes étant nettement plus souvent concernées (26,9 %) que les hommes (16,3 %). Mais voilà bien longtemps que ce tableau n’a guère évolué

 

Un sentiment de déclassement inégalement réparti

Le sentiment d’élévation sociale par rapport au père reste dominant parmi les 30-59 ans. Seul un quart juge le niveau ou le statut de sa profession « plus bas » ou « bien plus bas » que celui de son père. 34 % des cadres enfants de cadres, notamment, jugent leur trajectoire descendante. Une plus grande précarité ou une moindre rémunération (en particulier chez les femmes) peuvent expliquer ce sentiment de déclassement, malgré l’identité de statut. En bas de l’échelle sociale, les conditions d’emploi et de rémunération jouent un rôle déterminant dans la conviction que l’on a réussi mieux, moins bien ou aussi bien que ses parents.

 
Appréciation de sa propre profession par comparaison avec celle de son père, en %

Lecture : 54 % des enfants de cadres et assimilés considèrent que le statut de leur profession est plus bas ou bien plus bas que celui de leur père.

 

Niveau de diplôme atteint par les jeunes sortis du système de formation entre 2013 et 2015, en fonction du milieu social, en %

 

La massification scolaire a bouleversé le paysage éducatif français, mais n’a pas mis fin aux inégalités face à la formation. Depuis cinquante ans, les enfants des milieux populaires bénéficient d’études plus longues et d’un niveau de diplôme toujours plus élevé, mais les écarts avec les classes aisées ne se sont pas résorbés.

Au cours des Trente Glorieuses, la mobilité sociale a été favorisée par la transformation vers le haut de la structure des emplois. En 2014-2015, 41 % des personnes de France métropolitaine âgées de 30 à 59 ans étaient cadres ou professions intermédiaires, contre 29 % pour leurs pères. Cette transformation se poursuit, mais elle se combine depuis quarante ans avec une dégradation des conditions d’emploi. La massification scolaire a pu également permettre à une frange des classes populaires de connaître un meilleur destin. Mais, d’une part, les inégalités face au diplôme restent fortes et, d’autre part, la détérioration des conditions d’emploi a contribué à diminuer le rendement de certains titres scolaires. A tort ou à raison, une partie de la population se sent déclassée et n’a guère de raisons, dans le contexte actuel, d’espérer de meilleurs lendemains.

Les petites différences qui font toute la différence

Le diable des inégalités de mobilité sociale se cache parfois dans les détails. A même niveau de diplôme, les enfants d’ouvriers ou d’employés ont toujours des chances légèrement moindres que celles des enfants des autres catégories de devenir cadres. Cela peut s’expliquer par le fait que les diplômes de même niveau sont inégalement rentables (un master de psychologie n’ouvre pas les mêmes portes qu’une grande école) et que le capital social (ensemble des relations mobilisables, notamment pour trouver un emploi) reste inégalement réparti.
 
 
Part des jeunes ayant un emploi de cadre, de profession intermédiaire ou d’indépendant en 2016, selon le diplôme et l’origine sociale, en %
 
 
 
Part d’individus de la génération 1967-1976 devenus cadres en 2012, selon leur origine sociale et géographique, en %
 
 

La géographie joue aussi son rôle : à origine sociale donnée, vivre en Ile-de-France, où se concentrent les postes de cadres, augmente par rapport aux provinciaux la probabilité de devenir cadre.

 

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