Un traitement inégal peut-il être juste ? La discrimination positive en question

Faut-il choisir entre égalité et équité ? Dans les années 1990, Alain Minc dans « La France de l’an 2000 » a essayé d’opposer égalité et équité. Un traitement égalitaire ne serait pas équitable car il ne corrigerait pas les inégalités de départ.

 

Ainsi, distribuer des allocations familiales à toutes les familles qui ont des enfants n’est pas équitable car les familles aisées n’ont pas besoin de cet argent alors que les familles pauvres auraient besoin d’allocations plus conséquentes. Il serait donc « juste », « équitable », dit Alain Minc, de mettre en pratique une discrimination positive, c’est-à-dire de « donner plus à ceux qui ont moins ».

Ces programmes reposent sur la promotion de l’égalité des chances qui devient, à partir des années 1980, l’idéal égalitaire des sociétés capitalistes développées. Ils remettent en cause le traitement égalitaire et l’idée qu’il faut tendre vers une égalité des positions taxée, par les libéraux, d’égalitarisme.

 

A qui profite cette inégalité juridique compensatrice ?

Dès les années 1960, des programmes appelés affirmative action ont été mis en place en direction des populations noires puis des minorités ethniques sous la formes de quotas d’entrée à l’université. Mais, en France, ce ne sont pas les critères ethniques ou religieux qui servent de base à ces traitements différentiels. On peut donner les exemples :

Des femmes : les lois de 2000 et 2007 sur la parité obligent les partis à présenter un même nombre de

candidates et de candidats dans les communes de plus de 3500 habitants ;

Des handicapés : la loi de 1987 oblige les entreprises de plus de 20 salariés à embaucher un quota de 6% de personnes handicapées. Les entreprises qui ne respectent pas cette obligation doivent verser une compensation qui a été alourdie en 2005 ;

Des élèves de ZEP : l’IEP a mis en place un système de convention avec certains lycées classés en ZEP afin de prendre en charge des élèves méritants et de les amener sans concours à Sciences-Po Paris pour qu’ils puissent suivre des études qui ne leur étaient pas accessibles ou envisageables.

Des pauvres : ils reçoivent des aides particulières qui sont sensées compenser en partie leur handicap (bourses, allocation logement, prestations d’assistance…).

 

Quels moyens peuvent-ils être mis en oeuvre pour réaliser cette « discrimination positive » ?

Il en existe plusieurs :

L’impôt progressif : les travaux de Th. Piketty ont montré que l’impôt sur le revenu et le patrimoine, dont le taux progresse avec le revenu ou la valeur du patrimoine, était très efficace pour réduire les inégalités. Les prestations sous conditions de ressources ne sont distribuées qu’à ceux dont les ressources sont inférieures à un certain seuil ce qui pose le problème de la définition du seuil.

Les quotas correspondent à un certain pourcentage de places que l’on veut réserver à telle ou telle population jugée discriminée. En Inde, 24,5 % des postes dans la fonction publique, les collèges et les universités sont réservés aux Intouchables. En France, le gouvernement a souhaité que 30 % des élèves de classes préparatoires soient des boursiers…

Le soutien privilégié : les zones d’éducation prioritaire (ZEP) reçoivent ainsi plus de moyens financiers et humains pour encadrer des jeunes de milieux défavorisés.

 

 La discrimination positive est-elle efficace ?

Ces mesures ont aidé à l’émergence d’une classe moyenne afro-américaine et permis l’accès de personnes de couleurs à de hautes responsabilités (Colin Powell, par exemple). Le pourcentage de femmes élues dans les différentes assemblées a sensiblement progressé. Les étudiants de Sciences-Po issus des ZEP ont eu finalement un parcours scolaire identique à ceux qui avaient passé le concours… A contrario, l’expérience des ZEP ne semble pas être une réussite puisque dans ces collèges, remplis au trois quart par des enfants d’ouvriers et d’inactifs, un quart n’y maîtrise pas les compétences de base en français à l’arrivée et un sur deux à la sortie.

Cependant, cette politique présente aussi un certain nombre d’effets pervers :

La stigmatisation des bénéficiaires de cette politique. On va leur reprocher de ne pas avoir obtenu la position qu’ils occupent par leur propre mérite. Cette critique est même souvent intériorisée par ceux qui bénéficie de la mesure et qui vont finir par la récuser. Ainsi, aux Etats-Unis des Noirs américains refusent la discrimination positive car ils veulent prouver qu’ils peuvent arriver aux mêmes résultats par leurs propres moyens.

Un sentiment d’injustice pour ceux qui ont été exclus du dispositif et qui, pourtant, ont obtenu de meilleurs résultats que les populations bénéficiaires. Le 28 juin 2007, la Cour suprême des Etats-Unis a ainsi interdit la discrimination positive à l’entrée des écoles publiques américaines, à cinq voix contre quatre car elle remettait en cause l’égalité des chances et la méritocratie.

Le communautarisme : en privilégiant une partie de la population pour sa couleur de peau, sa religion ou pour son sexe, ont risque de créer artificiellement des communautés dont les intérêts seraient divergents. On risque ainsi de remettre en cause la cohésion sociale et l’universalisme républicain.

L’assistanat : on risque d’habituer les populations bénéficiaires à l’assistance étatique ce qui les

inciterait à faire moins d’efforts pour s’en sortir.

L’effet boomerang : la sélectivité des aides provoquerait un fort sentiment d’exaspération chez les plus aisés qui ne comprennent plus les privilèges accordés aux populations discriminées. On assiste alors à des phénomènes de désolidarisation (fraude fiscale, expatriation…).

La remise en cause l’idéal égalitaire : en voulant arriver à l’égalité par l’inégalité, on risque de laisser les ceux qui n’en bénéficie pas face à leurs problèmes. Une loi contre les discriminations par la loi est ainsi un moyen égalitaire de lutter contre les discriminations de sexe ou de race dans différents domaines.

 

 

 

 

 En savoir plus :

Une synthèse portant sur la discrimination positive

Un dossier documentaire avec des éléments de correction réalisé par R. Chartoire sur le site IDEES

 

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