Grand-Père, de Gilles Rapaport

Le visuel de la couverture est propriété de l’éditeur

L’histoire s’ouvre sur la mort du grand-père et la famille se raconte son histoire : jeune polonais épris de liberté, il émigre et s’installe avec sa femme à Paris. A la guerre de 40, il part au front comme légionnaire. Fait prisonnier, il est expédié en wagon à bestiaux vers un camp. Derrière les barbelés, il devient le n° 46690, numéro inscrit dans sa chair. Il a eu la volonté de survivre aux coups, au froid, à la haine du camp.

Grand-Père est un album de mémoire qui raconte en quelques mots forts comment la vie d’un homme bascule du fait de la guerre et de l’emprisonnement.

 

 

 

A partir de 3 extraits de l’album, réalisation de dessins à l’encre de Chine et au fusain…

Qu’est-ce qu’un wagon à bestiaux, si ce n’est un wagon à bestiaux…

On nourrit les bêtes qu’on y fait voyager, on les fait boire, on les soigne, on s’occupe d’elles pendant de longs trajets…

Pas les hommes.

Si on avait voulu nourrir les hommes, on les aurait fait voyager dans des wagons à hommes.

Après d’interminables, arrêts, des déplacements chaotiques, le convoi parvient enfin à destination.

Ils savent qu’ils sont arrivés ; ils n’ont jamais eu aussi froid.

Les survivants sont jetés hors du wagon, puis les morts sortent, portés par les vivants.

Extrait de Grand-Père, page 15

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Depuis combien de temps est-il debout, depuis combien de temps son voisin s’est-il écroulé ?

Il est tombé sans un bruit, et la neige l’a mangé.

Quand la lune est haute dans le ciel, le vent cesse, Grand-Père découvre une odeur âcre qui le pénètre jusqu’au fond de son être.

Il est aux portes de l’enfer.

L’enfant a son cerbère, un petit homme gris vers lequel les crosses des gardes poussent Grand-Père et ses compagnons.

D’un geste, le petit homme gris les divise en 2 groupes : d’un côté, les forts, de l’autre, ceux qui ont perdu toutes leurs forces.

Les uns et les autres ne se reverront jamais, et leurs regards se croisent une dernière fois quand chacun s’en va vers sa nuit.

Extrait de Grand-Père, page 18

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Grand-père ne voit plus que les barbelés électrifiés qui ceinturent le camp, où tant de ses compagnons ont mis fin à leur calvaire.

Ils deviennent une obsession ; il se sent las, faible, si faible, trop faible…

Il tombe en espérant qu’on l’achèvera ’une balle dans la tête sans le torturer.

Inconscient, il ne sent pas ses camarades le traîner jusqu’à l’infirmerie.

 

Extrait de Grand-Père, page 27

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La Déportation

A partir de 1941, l’extermination des Juifs et des Tsiganes débute.

Ils sont raflés puis déportés dans des camps de concentration et d’extermination.

D’autres catégories de personnes telles que les homosexuels, les personnes handicapées, les opposants politiques ont subi le même sort.

1. Les arrestations et les rafles

Certains Juifs sont « invités » à se rendre au commissariat où ils sont arrêtés.

Témoignage de Rachel Segal-Jaeglé – Le grenier de Sarah

Convocation dite du « billet vert » émanant de la préfecture de Police remis aux Juifs qui seront arrêtés le 14 mai 1941. – Mémorial de la Shoah/coll. Wertheimer

 

D’autres sont raflés chez eux.

Le 16 novembre 1942, à Paris, 13 000 Juifs sont arrêtés. C’est la Rafle du Vel d’Hiv’

Témoignage d’Arlette Testyler – Cercle de la Shoah

Devant le Vel d’Hiv pendant la rafle du 16 et 17 juillet 1942, les autobus pour le transport des personnes arrêtées. – Mémorial de la Shoah/Coll. BHVP

2. La Déportation

Les Déportés sont transportés dans des wagons de marchandises ou des wagons à bestiaux sans nourriture, sans siège, sans toilette…

Il pouvait y avoir jusqu’à 100 personnes par wagon.

Primo Levi est un résistant et un Juif. Il a été déporté à Auschwitz en 1944, à l’âge de 24 ans.

« Il y avait douze wagons pour 650 personnes […]. Pas de doute, ce que nous avions sous les yeux, ce que nous sentions sous nos pieds, c’était un de ces fameux convois allemands, de ce qui ne reviennent pas, et dont nous avions si souvent entendu parler, en tremblant et vaguement incrédules. C’était bien cela, très exactement des wagons de marchandises, fermes de l’extérieur, et dedans, entassés sans pitié, comme un chargement en gros, hommes, femmes et enfants, en route pour le néant, la chute, le fond. Mais cette fois, c’est nous qui sommes dedans. »

Primo Levi, Si c’est un homme.

 

Convoi du 15 mars 1943 – Photo extraite du site internet Mémorial du Wagon de la Déportation.

Témoignage de Déporté

L’arrivée des juifs dans les camps de concentration

« La troisième nuit, arrêt brutal. Les portes du train sont violemment ouvertes : « Raus Schnell ! » (« dehors vite ! »). Les enfants sont terrorisés. La situation est terriblement angoissante. Je marche le long de la voie ferrée, comme on nous l’ordonne. Il fait nuit, mais des projecteurs nous éclairent violemment. Un Allemand fait des gestes avec sa cravache, tantôt vers la droite, tantôt vers la gauche, pour séparer les gens en deux groupes, comme s’il s’agissait de bétail. Tous les enfants partent d’un côté, avec les personnes âgées. Des familles sont séparées, mari et femme, mère et enfant, frère et soeur. Ce sont des scènes déchirantes, mais les Allemands frappent violemment ceux qui sortent du rang. »

 

Déposition du commandant Rudolph Hess au procès de Nuremberg (1945 – 1946).

« A Auschwitz, deux médecins SS examinaient les arrivages de transports de prisonniers. Les prisonniers devaient passer devant l’un de ces médecins qui, à l’aide d’un signe, faisait connaître sa décision. Ceux qui étaient jugés aptes au travail étaient envoyés dans les camps ; les autres, dirigés sur les lieux d’extermination. Les enfants en bas âge étaient exterminés sans exception, puisque, du fait de leur âge, ils étaient incapables de travailler. »

Déposition – 5 avril 1946

Les Déportés aptes au travail sont rasés, tatoués d’un numéro de matricule et reçoivent une tenue rayée. Sur chacune se trouvent le numéro de matricule du Déporté et un triangle indiquant la raison de sa détention.

Manteau de la tenue rayée d’un déporté de BuchenwaldAFMD 71
Insignes cousus sur les vêtements des déportés dans les camps de concentration, qui indiquent la raison de leur arrestation (d’après Eugen Kogon, L’Enfer organisé, 1947).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ils vivent dans des conditions très difficiles.

On estime que 6 millions de Juifs et de Tsiganes ont été tués dans les camps.

Carte des camps en Europe.

 

3. Le génocide tsigane

« Le premier transport des Tziganes arrive à Birkenau (Pologne) en février 1943. Les tziganes sont enregistrés, leur numéro matricule précédé d’un Z, pour Zigeuner, tatoué et inscrit sur le triangle noir, celui des asociaux*.

Dans le “camp des Tziganes”, la mortalité est effrayante : faim, conditions d’hygiène et sanitaires désastreuses… En mai 1944, des S.S. arrivent pour tuer les 6 000 survivants du camp mais les Tziganes se révoltent. 3 000 sont alors envoyés dans un camp de travail forcé. Le 2 août, les 3 000 Tziganes restants sur les 21 000 enregistrés dans le camp sont exterminés. »

D’après A. Wieviorka, Auschwitz, 60 ans après, 2005

*asociaux : les nazis considèrent les Tziganes inadaptés à la vie sociale car ils sont nomades.