Peu me chaut!

Lauréats du concours Kaléïdo’Scopp, organisé par Jets d’Encre, quatre collégiens ont représenté les élèves de M. Mathieu lors de la remise des prix, à Paris. Le récit qui suit est fidèle à leur journée (objectivité des faits nécessaire au travail du journaliste), semble incroyable (importance de l’intérêt de l’information dans le choix des sujets du journal), parfois même surréaliste (des accroches, des accroches, encore des accroches), mais tout est véridique : anecdotes, citations, chiffres (enfin presque…).

Les élèves de M. Mathieu ayant décroché le titre de « Meilleur journal Web », ils sont quatre à se lever avant l’aube, ce mercredi 12 juin, pour aller recevoir ce prix prestigieux décerné par Jets d’Encre, une association qui défend la presse jeune en France : Mathilde, Mila, Marius, et Zélie (qui aurait pu faire un effort pour s’appeler Mauricette ou Marthe, ce qui aurait donné à cette équipée des allures de Héros Marvel, façon les 4 M, mais non, Zélie n’en fait qu’à sa tête…).

3h – Le mascara

C’est à 3h du matin que commence l’histoire de nos quatre compères. Le réveil de Mathilde fut compliqué… Soyons honnête : le réveil de la mère de Mathilde fut compliqué, secouée énergiquement par sa merveilleuse fille, qui craignait de rater la sonnerie, une demi-heure trop tôt. Sacrifiant son petit déjeuner (que sa mère refusa de lui faire, en repartant se coucher), Mathilde occupa l’heure qu’elle avait devant elle à se faire belle, avec une petite touche de mascara finale déposée à la hâte. Lorsqu’elle arriva à la gare, à 4h45, Marius l’aida à comprendre qu’elle aurait du se lever plus tôt encore :

– C’est quoi cette grosse tache noire que tu as au-dessus de la paupière? Tu as dérapé, avec ton mascara? Tu sais qu’on le met normalement sur les cils…

– Si tu continues, je ne nettoierai plus mes chaussettes à chaque fois que je te monte dessus!

Cette étrange menace toucha sa cible : Marius se tut et ne fit plus aucune allusion au regard sombre de (l’œil droit) de Mathilde.

7h – la face cachée de Mila

Quatre heures de train, ça ouvre des horizons : on parle, on se livre, on découvre l’autre sous un autre visage. On le sait, et pourtant, rien ne laissait prévoir une telle découverte : Mila, l’élève si sage, si discrète, si sérieuse, montra à tous, camarades et passagers de la voiture SNCF n°2, un visage… fantastique! La métamorphose commença au moment précis où, se levant dans l’allée centrale (« J’ai les pieds qui gonflent »), elle prit un air sérieux et tous les passagers à témoin pour l’aider à résoudre un curieux dilemme :

– Le lapin ou les fesses?

Comment expliquer aux autres passagers que Mila était en train de faire un devoir de Technologie : « dessiner une manette de jeu destinée à des enfants », et qu’elle avait testé le dessin d’une tête de lapin bélier (« mais les oreilles qui retombent pour faire les poignées ne feront peut-être pas penser à un lapin… »), puis le dessin d’un pachyderme vu de dos (« , pour la queue, il y a le fil, mais je ne sais pas si j’ai le droit de rajouter les oreilles de l’éléphant…). Tout cela la bouche pleine, car Mila avait un sac magique duquel sortaient depuis 6 heures du matin, sans discontinuer, Pitchs, barres chocolatées, jus de fruit, bonbons multicolores ! Toujours debout dans l’allée, s’adressant autant à elle-même qu’à l’ensemble des passagers, elle annonça qu’elle donnerait les deux projets, puis, après un temps de réflexion :

– J’irai bien aux toilettes, mais j’ai peur de tomber dans le trou, parce que ça bouge drôlement, ce train… Tu m’accompagnes, Zélie?

Et, à une dame qui la regardait un peu surprise :

– À chacun ses phobies : il faut respecter cela!

9h – La pression monte

Mathilde, toujours aussi sérieuse et prévoyante, avec sa tache de mascara estompée, un peu étalée sur la paupière, après un passage aux toilettes (« c’est vrai que ça bouge, là-dedans! »), sort son téléphone pour consulter les notes qu’elle avait prises pour un éventuel discours lors de la remise des prix : « un oral, ça se prépare! ». Justement, son professeur, parcourant les notes de Mathilde, lui dit qu’avec cela, elle pourrait s’en sortir sans problème. Assez fière, elle demanda à ses trois compères, qui avaient tous leur téléphone en main, s’ils pouvaient montrer leurs propres notes pour leurs discours : on entendit très nettement le bruit des rails, le troisième élastique de l’appareil dentaire de Mila qui craqua, le cri de l’ours au fond des bois dont Zélie use quand elle est contente (un truc comme : « RRRROOOOO »), et les grattements de Marius parti subitement chercher ses chaussures sous les sièges. Mathilde comprit qu’aucun des trois n’avait préparé quoi que ce soit. Mathilde les haït. Mathilde fut de nouveau très angoissée.

10h – Le discours

En arrivant à la mairie du Xe, où ils étaient attendus pour la remise des prix, Mathilde et Marius s’attardèrent dans le hall d’entrée, magistral et théatral, tandis que Mila et Zélie (affamées, si si) étaient déjà dans la salle de réception. On entendit Mila, à l’arrêt devant un énorme tas de croissants, s’écrier : « Je le savais, moi, qu’ils avaient prévu un petit déjeuner… Heureusement que je n’ai pas trop mangé, dans le train! ». Pendant qu’elle avalait quelques viennoiseries savoureuses, son héroïque professeur sauva Mathilde d’une angoisse insoutenable : il obligea chacun des quatre compères à prendre part au discours de remerciement, sous peine de ne pas monter dans le train du retour. Ils prirent donc place sur les chaises devant l’estrade, un peu inquiets, avec cette remarque de Mila : « On va devoir parler : il est capable de tout, je vous jure… Vous avez bien vu, il nous a dit qu’il n’y aurait pas de petit déjeuner à notre arrivée : ce type est cruel… ». Juste après le discours de la présidente de Jets d’Encre, la remise des prix commença, avec le prix du « meilleur journal web » : les quatre s’avancèrent d’un pas décidé vers le micro, que Zélie attrapa la première :  » Pour commencer, je dois vous dire que nous sommes très surpris d’être ici : nous ne savions pas que nous participions à un concours! À cause de ce prix, nous avons du nous lever à 3 heures du matin, et supporter notre prof de Français dans le train pendant plus de 4 heures ». Rires dans la salle. « Le plus terrible, c’est qu’on n’en sera débarrassé que ce soir à minuit! ». Professeur qu’elle remercia, tout de même. Marius remercia l’association Jets d’Encre, Mila rappela qu’ils étaient quatre, mais qu’ils représentaient tous les élèves de Monsieur Mathieu, avec un regard vers le panier de croissants (« Heureusement qu’ils ne sont pas tous venus : il n’y en aurait pas eu assez… »), et que Mathilde rappela toute la difficulté, mais aussi tout le plaisir qu’elle avait pris à rédiger des articles de presse.

12h – Le poivron.

À l’annonce du contenu du panier repas, Marius devint pâle : lui qui se bat pour la sauvegarde de l’entrecôte-frites au self du collège se prépara à manger un sandwich végétarien : « C’est une blague… Il y aura bien un bout de jambon, au milieu des tomates… ». Ce que Zélie voulut vérifier, quelques instants plus tard, en ouvrant  son sandwich , qu’elle serrait si peu qu’une partie avait immédiatement glissé par terre :

– C’est curieux, ils ont mis des poivrons marinés sur le joli parquet, s’étonna Mila. Ça va faire des taches, non? Vous croyez qu’on peut les manger…

– Ce qui est vraiment bizarre, lui répondit Zélie, son sandwich ouvert, c’est que dans le mien, il n’y a que de la salade… Ils ne rigolent pas, à Paris, quand ils annoncent « sandwich végétarien »!

14h – La coquille

L’après midi fut consacrée à une visite de la rédaction d’Okapi (qui offrit au CDI du collège un abonnement à sa revue), chez Bayard, à Montrouge. On leur présenta tous les personnels qui créent la revue : le pigiste (lui n’a pas de bureau, il travaille à la demande et à la maison), les rédacteurs (eux ont un bureau, dans un coin un peu sombre de la rédaction), les graphistes (qu’on voit à peine derrière leurs gigantesques écrans, avec des affiches très colorées collées vraiment partout), l’iconographe (c’est l’Indiana Jones de l’image, qu’elle traque et capture pour la coller dans la revue), le rédacteur en chef (il programme, organise, écoute, décide, relit le travail de tous les autres), et la secrétaire de rédaction (elle relit le travail du rédacteur en chef!). On leur a parlé OURS (Zélie, avachie sur un tabouret, ouvre un oeil : « RRROOO »), CHEMIN DE FER (« C’est l’heure du train? On mange quand? »), et COQUILLE (« Je le note, dit Mathilde : ce n’est pas une faute, mais une coquille! »). Une paire d’yeux très agiles fit d’ailleurs une remarque espiègle au rédacteur en chef : « Ce n’est pas cela une coquille, sur la couverture de ce numéro : Comme on on danse? ». Le rédacteur palit un peu : « Oui, c’en est une, et une grosse, ce qui prouve qu’on a beau relire avec beaucoup de sérieux, une faute peut toujours nous échapper! » (Mathilde : « Je note cela aussi… »).

18h45 – la commande de Marius

Un inexplicable embouteillage s’est produit ce mercredi 12 juin, un peu avant 19h, au MacDonald de la gare d’Austerlitz, où une file impressionnante de clients affamés s’étirait sur le trottoir. Un petit individu a été repéré par les caméras de surveillance, en tête de file, devant la borne de commande, en train de choisir 8 hanburgers avec sauces, 13 paquets de frites, 4 menus best-of et seulement 2 crèmes glacées.

20h – L’article

Le ventre bien rempli de cochonneries produites par une célèbre marque de restauration rapide, nos jeunes journalistes primés se dirigèrent prestement vers le quai, ébahis par la magnifique foulée de leur professeur de Français. « Normal, dit Marius, il n’a pas pris de dessert ». Une fois installés dans le train, ils sautèrent sur les magnifiques carnets offerts par Jets d’Encre, et rédigèrent leur article. Mathilde et Zélie travaillaient.  Mila réclamait un macaron pour chaque mot écrit. Marius digérait. Mathilde et Zélie travaillaient. Mila supplait pour avoir un autre macaron : « J’ai faim… ». Marius refusait poliment un macaron. Mila tentait de le séduire : « Tu me le donneras, ton prochain macaron? ». Marius boudait. Mathilde et Zélie rigolaient. Mila s’endormait. Mathilde et Zélie travaillaient.  Trois heures plus tard, seuls dans le wagon (les autres passagers avaient fait mine de descendre, à chaque gare, pour pouvoir changer discrètement de voiture…), l’article était fini ! Mathilde et Zélie brandissaient fièrement leur carnet! « Et le Pioupiou? ». Elles eurent envie d’étrangler leur professeur. Mathilde demanda à Zélie si elle préférait qu’on lui torde le cou ou qu’on lui arrache la langue. La réponse de Zélie laissa Marius perplexe : « Peu me chaut… ». Et elle ajouta : « De toutes manière, j’ai déjà tué Monsieur Mathieu dans un précédent artcicle, et je l’ai mis dans un cercueil rose! ». Mathilde semblait heureuse, pendant que Mila, qui se réveillait péniblement et tentait laborieusement de remettre ses chaussures, demanda : « On peut me passer mes lunettes : je n’arrive pas à faire mes lacets ».

Mathilde Roux-Thézard & Zélie Chantereau (avec la participation boudeuse de Marius Blazart, et la surréaliste animation de Mila Soulier!)

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